vendredi 12 avril 2019

Rebelle


 Un(e) rebelle qui est-ce?

Selon la définition du Larousse (2019), l'adjectif rebelle signifie:
Qui est fortement opposé, hostile à quelque chose, qui refuse de s'y soumettre : Un enfant rebelle à la discipline.
Qui se prête difficilement à l'action à laquelle on le soumet : Mèche rebelle.
Qui est difficile à guérir, qui ne cède pas aux remèdes.
Selon cette définition, être rebelle, c'est donc s'opposer, ne pas se soumettre, ne pas céder.

Pour CRNTL (2012), le (la) rebelle est aussi celui ou celle:
Qui se révolte contre l'autorité du gouvernement légitime, d'un pouvoir établi.
Qui ne reconnaît pas l'autorité de quelqu'un, qui n'est pas docile.
Et moi, tout comme la mèche rebelle, je ne me suis pas laissée manier: la psychiatrie n'a pas réussi "sa mise en pli".

Je me suis révoltée contre ces psychiatres qui faisaient et qui font aujourd'hui encore autorité dans le domaine de la santé de notre mental. La société leur a donné ce pouvoir, celui de décider quel état mental est normal et quel état ne l'est pas.

Mon état mental, mon système de pensées, ma réflexion, mon imaginaire ne leur plaisaient pas. Selon leurs critères, ma façon de penser le monde et la société n'était pas dans la norme, dans ce qui est attendu.

Quand j'étais entre leurs mains, j'ai tout de suite montré que je ne reconnaissais pas leur autorité, que je ne les sentais pas capables de m'aider dans la situation difficile que je vivais et que je ne leur laisserai pas la moindre chance de m'imposer leur façon de concevoir la vie et leur façon de considérer mon état mental. Cette perte de pouvoir a certainement été difficile à gérer pour eux. Les gens pas dociles possédant des visions différentes, ils n'aiment pas. Alors, ils leur font baisser leur garde en appliquant les mesures de répression légitimes que l'Etat leur a autorisé à appliquer: ralentissement des fonctions mentales à l'aide de substances chimiques, contraintes physiques à l'aide d'éléments divers et variés qui limitent la liberté de mouvement (camisole de force, cellule d'isolement,...) et pressions psychologiques, émotionnelles et sociales par des menaces et des discours qui incitent à la peur.

Qui se prêterait docilement à cela? Qui mettrait sa vie, sa santé mentale ou son futur dans les mains de telles personnes?

La réponse à ces questions n'est pas simple. En effet, le choix d'accepter docilement de se soumettre à ces traitements ou pas va dépendre de l'envie de la personne de s'intégrer à la société dans laquelle elle vit et de répondre à ses attentes.

Dans notre société, les valeurs sont telles, qu'on attend des gens qu'ils soient performants, compétitifs et productifs. Qu'ils sachent gérer leur stress et leurs émotions et ce, surtout en public, et qu'ils se montrent sous leur meilleur jour au quotidien.
De plus, on attend d'eux qu'ils se soumettent au paradigme matérialiste sans restriction.

Les personnes qui ne partagent pas ces valeurs, mais qui essaient tant bien que mal de rentrer et de coller à ces normes, finissent par en souffrir.

Enfant, j'ai essayé de toutes mes forces d'être la petite fille qu'on voulait que je sois. Adolescente, j'ai essayé de toutes mes forces de coller au modèle de la jeune fille parfaite qui étudie et qui se projette dans un futur où elle exercerait une profession scientifique qui aiderait les gens à être heureux.... Mais déjà depuis l'enfance, qu'est-ce qu'il avait été difficile pour moi de me plier à toutes ces exigences qui m'obligeaient à cacher mes réactions naturelles pour qu'on m'accepte... pour qu'on m'aime.

Ne pas montrer mes peurs, ne pas crier mes colères face aux injustices, ne pas montrer ma tristesse,... Etre d'humeur toujours égale, ne pas faire de vague... suivre le troupeau... ne pas être ce mouton noir qu'on évince parce qu'il ne ressemble pas aux autres...

Des efforts et une énergie monstrueuse dépensés à être comme une petite fille doit être....pour être aimée.

Adolescente, ces efforts et cette énergie à être la personne qu'on attend qu'une jeune fille soit, j'ai continué à les déployer, mais ce n'était plus seulement pour qu'on m'aime, mais aussi et encore plus fortement pour ne pas être rejetée du système ou ne pas y avoir ma place.

A l'adolescence, je pense que la question que nombre de jeunes se posent est: y a-t-il un place pour moi dans cette vie? Et c'est là que la réponse que l'adolescent(e) va apporter, va être cruciale pour sa vie future.

En répondant à cette question, je pense que l'erreur que font beaucoup d'ados, mais d'adultes aussi, est de confondre:

Avoir une place dans la vie et Avoir une place dans la société

Lorsqu'on pense que pour avoir une place dans la vie, il faut avoir une place dans la société, nous allons tout faire pour répondre aux exigences de la société, de sorte à nous assurer une place en son sein et par là une place dans la vie.

Alors que lorsque l'on comprends que pour avoir une place dans la vie, il n'y a pas besoin d'occuper une "place standardisée et conforme aux normes de la société", alors on change complétement de perspective et au lieu de tout faire pour se conformer à ce qui est "bien vu" dans notre société, nous faisons ou plutôt nous devenons qui nous sommes: nous prenons cette place dans la vie qui nous permettra d'avoir notre place dans la société.

Adolescente, j'ai cru que pour avoir le droit de vivre, il fallait avoir une place dans la société et que pour avoir une place dans la société, il fallait faire comme on me disait: comme mes parents me disaient, comme les enseignements me disaient, comme les autorités me disaient....

J'avais tellement peur d'être rejetée et de ne pas avoir de place dans ce monde, que j'étais prête à tout pour qu'on m'accepte dans ce "cercle d'élus" qui vivent une vie heureuse dans le système social.

Mais le stress engendré par les années passées à réprimer ma vraie nature, à me conformer aux règles et à suivre le chemin sans joie que la société avait tracé pour les jeunes filles m'a rattrapé et épuisé.
Au gymnase (lycée), je n'arrivais plus à donner le change. Je n'arrivais plus à être celle qu'on attendait que je sois....

Pour réussir un parcours scolaire "sans faute" (la faute étant définie ici comme l'échec scolaire ou la non obtention du diplôme: chose qui est très très mal considéré dans la société), j'avais petit à petit mis de côté les derniers éléments de soupape qui me permettaient de gérer l'énorme stress engendré par la pression à la conformité. Enlever mes derniers moyens de m'évader et d'être moi-même, a été l'élément de conformisme de trop. Les vannes ont commencé à sauter! C'est comme si les coutures de l'habit de conformité que j'avais enfilé depuis mon enfance étaient en train de sauter!!!

Mon "habit de conformité" allait exploser et tout le monde allait voir que je n'étais pas comme eux, que j'étais un imposteur qui tentait tant bien que mal de cacher son anormalité et son incapacité à faire comme tout le monde sous un habit de normalité trafiqué de toutes pièces.

L'énergie et les efforts déployés pour cacher ma vraie nature et pour maintenir les apparences étaient tels que le soir, en rentrant chez moi, je m'effondrais littéralement....

Je commençais à fortement angoisser à l'idée que les gens réalisent que je n'étais qu'un imposteur incapable de faire comme tout le monde. Je déprimais à l'idée de ne pas savoir comment j'allais faire pour vivre toute ma vie avec cette pression trop forte: comment allais-je trouver, tous les jours, pendant encore au moins 60 ans, l'énergie pour donner le change et me conformer à ce que la société attend d'un individu qui aspire à vivre heureux en son sein?

A la fin de l'adolescence, j'étais épuisée par cette quête sans relâche de ma place dans la société. J'angoissais et je déprimais à l'idée de ne pas avoir ce que je considérais comme le précieux sésame pour mériter d'être en vie: pour moi si je n'arrivais pas à trouver et obtenir une place dans la société, je n'avais pas ma place dans cette vie, dans ce monde...

La pensée du suicide à l'adolescence.... je pense qu'elle vient souvent de là: de cette idée que si on n'arrive pas à se conformer ou à justifier notre utilité pour la société, alors on n'a pas sa place dans la vie.
Cette idée, je le sais maintenant, est complétement fausse: ce n'est pas parce qu'on n'est pas à la place à laquelle la société voudrait qu'on soit, qu'on n'a pas le droit de vivre. La société, c'est juste un ensemble de règles qui dictent comment un groupe d'humains a décidé de fonctionner ensemble. Si on a envie de fonctionner autrement, on a le "droit" et je dirais, on en a même le "devoir".
Ce n'est pas parce qu'on ne souhaite pas fonctionner selon des règles et des valeurs qui ne nous correspondent pas qu'on n'a pas le droit de vivre!

Tout le monde a le droit de vivre sa vie comme il l'entend tant qu'il respect la vie de l'autre.

Bien évidemment, au moment où mon "habit de conformité" a commencé à craquer les coutures, mon entourage s'est inquiété. Mais la solution pour faire "rentrer les choses dans l'ordre" s'est rapidement manifestée: les redresseurs de non-conformité étaient là: les psychiatres se sont présentés à ma porte.

Tu n'arrives pas à faire comme tout le monde? Tu fais des vagues? On va t'aider à reprendre le droit chemin....ou on va te "planquer à la cave" avec les autres rebus de la sociétés, avec tous ceux, qui comme toi, n'arrivent pas à fonctionner comme on attend qu'ils le fassent.

Je conçois la psychiatrie comme "la section de la société" qui s'est donné et, au final, qui a légitimement reçu comme mission de faire rentrer dans le droit chemin, les individus qui ne se conforment pas aux codes sociaux.

Comme je n'arrivais vraiment plus à me conformer aux codes sans m'effondrer et faire craquer les coutures de mon habit de conformité, mon entourage a décidé qu'il fallait faire appel aux psychiatres pour qu'ils m'aident à comprendre comment être, penser et faire pour vivre une vie normale et heureuse.

Je ne voulais pas aller en psychiatrie, car je me suis dit qu'il allait me falloir fournir encore plus d'énergie et d'efforts pour "montrer ma normalité" pour qu'on "m'estampille: conforme pour vivre dans cette société: a sa place!"

J'étais épuisée par les efforts que je fournissais pour suivre la voie scolaire qu'il convenait en vu d'obtenir le sésame qui estampille: "conforme aux exigences scolaires: a obtenu son diplôme!". Je ne voulais pas devoir encore ajouter la contrainte de devoir prouver que j'avais un fonctionnement mental conforme.

J'ai donc tout fait pour ne pas aller en psychiatrie. Pendant plusieurs heures, je me suis opposée à leur décision de me faire suivre un traitement. Puis, à la fin, j'ai changé d'avis en me disant que si je ne me conformais pas à leur demande, ça allait mal finir, puisqu'ils faisaient autorité dans le domaine de ce qui est conforme ou ne l'est pas. Je me suis dit que si je voulais qu'on me considère comme quelqu'un qui fonctionne normalement, il fallait que je suive les règles de vie de la société et que j'aille faire un tour dans ce "service" pour que je prouve que j'avais les aptitudes pour me conformer à ce qui est attendu.

Mais comme les psychiatres m'avaient vue très réfractaire à leur proposition de traitement et que par ailleurs, ils s'étaient déjà fait une opinion sur mon état mental à la lecture des observations de psychologues qui m'avaient suivie pendant mon enfance, je pense que j'avais déjà sur le front, aveuglante comme la lumière d'un gyrophare, la très belle étiquette:  

NON CONFORME! 




© Carole Advices 12 avril 2019

mercredi 10 avril 2019

Aller contre, aller avec

Toute cette violence qui émane du milieu psychiatrique...

Contre toute cette violence, j'ai essayé de me rebeller, de me défendre, de contrer les attaques psychologiques et physiques de ces personnes et de ces institutions. Pour moi, c'était un combat. Un combat pour ma liberté, un combat pour ma vie, et plus je me battais, plus ils me battaient!

Combattre, contrer la violence, faire monter crescendo l'intensité de ma réaction à l'intensité de leur action, voilà ce que j'ai fait pendant des années, jusqu'au moment où je n'ai plus eu la force de contrer directement leurs attaques. C'est alors que j'ai endossé le rôle de victime, de l'ado rebelle qui se bat corps et âme contre ce qui est en train de l'affaiblir, je suis devenue la victime capitulant sous les coups après avoir encaisser bien plus que mon corps et mon mental ne pouvaient en supporter! Contre cette violence chimique, physique, émotionnelle, mentale, psychologique, familiale, culturelle et sociétale, j'ai abdiqué...

Mais avais-je vraiment abdiqué à ce moment-là? Leur avais-je donné tous les pouvoirs et tous les droits sur moi? Avec le recul, je ne pense pas et c'est le fait de d'avoir arrêté de répondre par la violence à leur violence qui m'a certainement permis de sortir de l'enfer de la psychiatrie.

Dès que j'ai arrêté de me rebellé contre leurs violences, dès qu'adolescente, j'ai lâché prise et leur ai donné "l'illusion" que j'acceptais leurs visions du monde, dès ce moment-là, l'escalade de la violence à diminuer. En arrêtant de m'opposer de manière violente et toujours plus intense à leur violence... en arrêtant d'essayer de m'opposer plus fort qu'eux, j'ai désamorcé l'escalade de la violence.

Et pourtant, lorsque adolescente, j'ai été contrainte à suivre des traitements psychiatriques, je me suis mise à m'opposer avec toute ma rage de vivre aux atrocités que les psychiatres de Nant me faisaient subir. Je déployais une force surhumaine pour le montrer qu'ils n'auraient pas le dessus et que je serai bien plus forte et plus endurante qu'eux à ce petit jeu qui consistait à faire plier l'autre à sa vision du monde et de la vie. Pendant des mois, je me suis battue comme un beau diable. Mais les chasseurs qui disposent de pièges desquels aucun animal en peut s'échapper, ceux qui avaient les armes physiques, psychiques, politiques et sociales les plus puissantes, c'étaient eux, les psychiatres à qui la société, ma famille, mais également, indirectement moi, avions donnés tout le pouvoir sur qui j'étais. Alors, comme la biche prise au piège dans les filets des chasseurs, je me suis débattue et débattue pour reprendre ma liberté. Mais plus je me débattais, plus le piège se refermait sur moi et m'affaiblissait. Leur pouvoir sur moi était comme celui des noeuds coulants, plus je me débattait pour échapper à leur étreinte, plus cette dernière se resserrait et se refermait sur moi, étouffant au passage mes derniers signes de vie.

Etait-ce la bonne solution de me débattre? D'opposer une résistance aussi forte que la leur? D'avoir des réactions aussi violentes que les leurs? Avec le recul, je constate que ce qui m'a permis de "m'échapper de leur étreinte", ça n'a pas été de me débattre et d'aller systématiquement contre eux, mais, ça a été de lâcher prise, d'aller "avec eux".

Le premier mouvement que j'ai fait dans leur sens, ça a été de comprendre que m'opposer ne servait à rien et de faisait qu'augmenter l'intensité de leurs attaques: plus je me rebellais et m'opposais à leurs traitements, plus ils augmentaient les doses de neuroleptiques et de sédatifs, et plus ils intensifier les contraintes physiques. Dès que j'ai compris que si je me montrais, en apparence, docile, ils baisseraient leur garde, dès ce moment-là, l'intensité de leurs tortures et de leurs actions répressives à commencé à diminuer. Constatant qu'en arrêtant de me débattre, ils relâchaient un peu leur emprise, j'ai continué sur cette voie, ce qui m'a permis de "tromper" leur vigilance et de gentiment pouvoir prendre mes distances de l'Hôpital psychiatrique. Ainsi, presque une année après avoir été mise en soins psychiatriques, j'ai pu reprendre un peu de liberté en obtenant des psychiatres de cet établissement, qu'ils me laissent partir loin de la clinique pour être suivie par un psychiatre dans le privé.

Face à une institution psychiatrique, j'avais compris que je ne ferai pas le poids, mais, à tord, je pensais qu'il me serait plus facile de m'opposer à un seul individu: au psychiatre chez qui j'avais promis d'aller en échange de ma libération de l'Hôpital psychiatrique de Nant....

Je n'avais alors pas encore retenu la leçon: aller frontalement contre l'autre, c'est nourrir le pouvoir que l'autre a sur moi, alors, qu'aller avec l'autre, c'est laisser place à cet espace de liberté qui me permet d'agir.

Maintenant, est-ce qu'aller avec l'autre, c'est adhérer à son point de vue et cautionner ces actes?

Non, je le pense pas. C'est simplement arrêter de nourrir sa violence, sa force et son pouvoir. Lorsque j'étais soumise aux tortures psychologiques et physiques administrées par les psychiatres de la fondation de Nant, je n'ai pas, un seul instant, adhéré à leur point de vue ou cautionné leurs actes. J'ai simplement accepté que de m'opposer frontalement à eux ne ferait qu'augmenter leur violence envers moi. Mais c'est en acceptant qu'ils ne changeraient pas leur manière de penser et de faire, c'est-à-dire en allant à la rencontre de leur point de vue et en acceptant qu'ils n'avaient pas la sagesse d'en changer et encore moins de percevoir le mien, que je suis "allée avec eux", que j'ai fait un pas dans la direction dans leur sens pour comprendre pourquoi ils en étaient arrivés là: à torturer leurs semblables soi-disant pour leur bien. En me montrant souple et en allant à la rencontre de leur point de vue, j'ai créé cet espace qui me permettait d'agir. Pour moi, aller avec eux, aller dans leur sens, c'était prendre part à ce qui m'arrivaient et accompagner le mouvement. En adoptant leur perspective pour comprendre pourquoi des Etres humains pouvaient en arriver à en torturer des autres en pensant agir pour leur bien et le bien de la société, j'ai repris le contrôle de la situation, plutôt que de le leur laisser. En effet, celui qui sait adopter la perspective de son adversaire s'octroie un avantage certain.

Le fait de me mettre à leur place pour comprendre leur point de vue m'a permis de tourner la situation à mon avantage. S'opposer frontalement ne fait qu'attiser les flammes, alors qu'emprunter la manière de penser de l'autre permet de comprendre ses actions et donc d'y faire face ou d'y échapper plus facilement...

Et c'est ce qui c'est produit: chaque fois que je me suis opposée frontalement aux psychiatres et à leurs actions, j'en ai payé le prix. Alors que chaque fois que j'ai regardé la situation et leurs actes de leur point de vue, j'ai pu agilement faire en sorte que la situation "tourne à mon avantage", c'est-à-dire qu'elle m'offre un espace d'action que je n'avais plus lorsque je m'opposais frontalement et avec violence à leurs traitements.

En ne m'opposant plus, je m'offrais cette liberté d'action nécessaire pour reprendre le contrôle des actions qui étaient entreprises sur moi... En ne m'opposant plus, je les forçaient à me libérer de leur étreinte et en cheminant dans leur direction, je créais un espace de dialogue où j'avais mon mot à dire sur les traitements qui m'étaient infligés....


© Carole Advices 10 avril 2019

mardi 9 avril 2019

Passage à vide

Ce matin, petit passage à vide.

Depuis quelques semaines, je passe par des moments de découragement et de grosse fatigue. Je sais que je suis dans une phase de transition qui apportera de gros changements.

Cela fait près de 20 ans que je suis à l'AI (Assurance Invalidité) et dans quelques semaines, je vais sortir de ce système. Cela fait plusieurs années que je suis dans la démarche de sortir de ce système et maintenant que cela devient concret, je réalise que c'est un gros saut qui se prépare.

Enfin, je ne serai plus vue comme celle qui a une maladie mentale qui la rend incapable de s'insérer dans la société. Enfin, "le système" reconnaît que je ne suis pas anormale, que je dispose de toutes les capacités mentales pour vivre une "vie normale".

Cependant, il est clair que ce soutien financier, cette rente d'invalidité, j'en ai eu besoin pour vivre lorsque les médicaments psychiatriques faisaient partie de ma vie. Ces produits et les mauvais traitements psychiatriques que m'ont administrés les médecins m'avaient rendue bien incapable de fonctionner au quotidien et de subvenir à mes besoins les plus basiques. La décérébration que j'ai subie pendant ces années de mauvais traitements psychiatriques m'avait rendue incapable de penser, avait changé ma personnalité et m'avait énormément affaiblie physiquement. Travailler dans cet état, c'était impossible. Je remercie donc l'état et l'assurance invalidité d'avoir subvenu à mes besoins pendant cette période noire de ma vie. Je remercie également chaleureusement mon conseiller AI d'avoir pris le temps de comprendre qui "se cachait" derrière ces effrayants diagnostiques psychiatriques et d'avoir su être à l'écoute au moment où j'ai repris ma liberté face à la psychiatrie: dans ce moment où je me reconstruisais et je créais mon avenir.

Cher monsieur M., même si les médecins de l'AI ont court-circuité votre évaluation des conditions qui me permettraient de sortir de l'AI en douceur, vous avez su être là et à l'écoute de mes besoins en matière de reconstruction professionnelle. Même si cette sortie de l'AI arrive très brutalement par rapport à ce que vous et moi avions imaginée, elle arrive à un moment de ma vie où je suis capable d'encaisser les changements brutaux.

Depuis plusieurs années maintenant, je me prépare à reprendre une activité professionnelle. Ou plutôt devrais-je dire, à commencer une activité professionnelle, puisque ayant été plongée dans le monde psychiatriques et mise à l'assurance invalidité à l'adolescence, je n'ai jamais vraiment été en mesure de travailler. Bien sûr, j'ai fait quelques tentatives désespérées pour travailler, mais avec la chape de plomb médicamenteuses qui me décérébrait et affaiblissait mon corps, j'ai bien été incapable de garder un travail plus que quelques semaines.

Au jour d'aujourd'hui, 10 ans après avoir arrêté les médicaments psychiatriques (neuroleptiques, benzodiazépines et antidépresseurs), et après avoir passer plusieurs années à me battre contre les dégâts occasionnés par ces produits et avoir récupérer seule, et avec beaucoup d'efforts quotidiens, je suis physiquement, psychologiquement, cognitivement et émotionnellement prête à reprendre ma vie professionnelle là où la psychiatrie me l'avais brisée il y a maintenant plus de 23 ans.

Mais ce passage dans l'enfer de la psychiatrie et surtout ma reconstruction après m'en être extirpée m'ont permis d'acquérir des ressources insoupçonnables qui me rendent maintenant capable de faire face aux plus gros défis de la vie. Ce passage entre les mains de la puissante psychiatrie et de ses alliées très influentes et omniprésentes, les firmes pharmaceutiques, m'a également donné une direction vers laquelle orienter ma carrière professionnelle. Pour sortir de la psychiatrie et des médicaments psychiatriques, j'ai passé des années à me documenter sur leurs fonctionnements, ce qui m'a permis d'acquérir une connaissance hors norme de ce milieu et des produits qu'il utilise. Cette connaissance, j'ai, depuis ma sortie de la médication psychiatrique, décidé de la partager et de la mettre à disposition des utilisateurs de ces produits, des personnes qui sont confrontés de près ou de loin à la psychiatrie et finalement, à la terre entière.

Toutefois, je ne vais pas limiter mon activité professionnelle à la diffusion de l'information concernant le fonctionnement de la psychiatrie et des médicaments psychiatriques que sont les somnifères, les anxiolytiques, les antidépresseurs, les antipsychotiques, les stimulants ou encore les régulateurs de l'humeur. Non, je ne vais pas me limiter à ça, puisque cela ne constitue qu'une infime partie de la sortie de l'ère psychiatrique et pharmaceutique. En effet, une fois que j'ai arrêté les médicaments et les visites en psychiatrie, il m'a fallu reconstruire entièrement ma vie.

J'a dû reconstruire ma vie personnelle, ma vie familiale, ma vie sociale et maintenant ma vie professionnelle, car avec à cause des mauvaises traitements physiques, psychologiques et chimiques infligés par les psychiatres, j'avais tout perdu.

J'ai recommencé par me reconstruire physiquement, puis cognitivement et émotionnellement. Cela m'a pris plusieurs années pour retrouver mes capacités physiques, ma santé, ma vitalité, mes aptitudes à la réflexion, ma capacité de jugement et mes capacités mnésiques. A noter qu'aujourd'hui, même avec tous les efforts quotidiens réalisés pour récupérer mes fonctions mémorielles (se rappeler des souvenirs de cette époque ou utiliser ma mémoire de travail), je n'ai pas été en mesure de les récupérer à 100%. Même si je dispose aujourd'hui d'une très bonne mémoire, elle n'est pas celle que j'avais avant les médicaments psychiatriques.

Ma reconstruction émotionnelle est passée par l'acquisition et la mise en pratique d'outils utilisés en Thérapie Cognitive et Comportementale. Ces outils ne m'ont jamais été proposés pendant les années passées en psychiatrie. Ces outils, je les ai découverts au cours de mes recherches pour réapprendre à fonctionner. J'ai appris à les mettre en pratique seule, car les psychothérapeutes ou les psychologues que je consultais à l'époque se figeaient sur mon passé psychiatrique et sur les symptômes de sevrage terrifiants qui se maintenant encore des années après l'arrêt complet des médicaments psychiatriques. Ces symptômes étaient notamment une anxiété généralisée accompagnée d'une agoraphobie avec attaques de panique qui me maintenait cloîtrée chez moi: le moindre pas en dehors de ma maison me déclenchaient de terribles attaques de panique. Avec le recul, je réalise que j'étais dans un état de stress post-traumatique après les atrocités que j'avais vécu en psychiatrie.

Ainsi, les séquelles qu'avaient laissé les années d'enfer passées sous le joug de la psychiatrie, m'empêchaient également de trouver du soutien auprès de thérapeutes, trop impressionnés ou déroutés qu'ils étaient par les terribles séquelles que je manifestais à l'arrêt des médicaments psychiatriques et à la sortie du monde de la psychiatrie.

C'est donc seule, que j'ai recherché et mis en pratique ces outils pour gérer mes angoisses et reprendre le contrôle de mon état de stress post-traumatique. ça a été et c'est toujours un travail de grande haleine. Quotidiennement, je prends le temps de travailler ces outils, de les perfectionner et de les faire évoluer avec mes besoins du moment.

Tout ce parcours pour me reconstruire émotionnellement, psychiquement et physiquement, toute cette "physiothérapie psychique et émotionnelle" et cette réhabilitation physique, comportementale, cognitive et sociale qu'aucun thérapeute n'a été en mesure de me fournir à cause, certainement, de l'état préoccupant dans lequel m'ont laissé ces années de psychiatrie... toute cette "thérapie", toute cette reconstruction de soi, tout ce retour à la vie, je souhaite maintenant l'offrir à tous ceux qui sortent, meurtris, de la psychiatrie.


© Carole Advices 9 avril 2019

Pour aller plus loin:

Vidéos "Se reconstruire après l'arrêt de la médication psychiatrique"

Mon site:  www.psychotropes.info

Le Manuel de Sevrage des Psychotropes