vendredi 12 avril 2019

Rebelle


 Un(e) rebelle qui est-ce?

Selon la définition du Larousse (2019), l'adjectif rebelle signifie:
Qui est fortement opposé, hostile à quelque chose, qui refuse de s'y soumettre : Un enfant rebelle à la discipline.
Qui se prête difficilement à l'action à laquelle on le soumet : Mèche rebelle.
Qui est difficile à guérir, qui ne cède pas aux remèdes.
Selon cette définition, être rebelle, c'est donc s'opposer, ne pas se soumettre, ne pas céder.

Pour CRNTL (2012), le (la) rebelle est aussi celui ou celle:
Qui se révolte contre l'autorité du gouvernement légitime, d'un pouvoir établi.
Qui ne reconnaît pas l'autorité de quelqu'un, qui n'est pas docile.
Et moi, tout comme la mèche rebelle, je ne me suis pas laissée manier: la psychiatrie n'a pas réussi "sa mise en pli".

Je me suis révoltée contre ces psychiatres qui faisaient et qui font aujourd'hui encore autorité dans le domaine de la santé de notre mental. La société leur a donné ce pouvoir, celui de décider quel état mental est normal et quel état ne l'est pas.

Mon état mental, mon système de pensées, ma réflexion, mon imaginaire ne leur plaisaient pas. Selon leurs critères, ma façon de penser le monde et la société n'était pas dans la norme, dans ce qui est attendu.

Quand j'étais entre leurs mains, j'ai tout de suite montré que je ne reconnaissais pas leur autorité, que je ne les sentais pas capables de m'aider dans la situation difficile que je vivais et que je ne leur laisserai pas la moindre chance de m'imposer leur façon de concevoir la vie et leur façon de considérer mon état mental. Cette perte de pouvoir a certainement été difficile à gérer pour eux. Les gens pas dociles possédant des visions différentes, ils n'aiment pas. Alors, ils leur font baisser leur garde en appliquant les mesures de répression légitimes que l'Etat leur a autorisé à appliquer: ralentissement des fonctions mentales à l'aide de substances chimiques, contraintes physiques à l'aide d'éléments divers et variés qui limitent la liberté de mouvement (camisole de force, cellule d'isolement,...) et pressions psychologiques, émotionnelles et sociales par des menaces et des discours qui incitent à la peur.

Qui se prêterait docilement à cela? Qui mettrait sa vie, sa santé mentale ou son futur dans les mains de telles personnes?

La réponse à ces questions n'est pas simple. En effet, le choix d'accepter docilement de se soumettre à ces traitements ou pas va dépendre de l'envie de la personne de s'intégrer à la société dans laquelle elle vit et de répondre à ses attentes.

Dans notre société, les valeurs sont telles, qu'on attend des gens qu'ils soient performants, compétitifs et productifs. Qu'ils sachent gérer leur stress et leurs émotions et ce, surtout en public, et qu'ils se montrent sous leur meilleur jour au quotidien.
De plus, on attend d'eux qu'ils se soumettent au paradigme matérialiste sans restriction.

Les personnes qui ne partagent pas ces valeurs, mais qui essaient tant bien que mal de rentrer et de coller à ces normes, finissent par en souffrir.

Enfant, j'ai essayé de toutes mes forces d'être la petite fille qu'on voulait que je sois. Adolescente, j'ai essayé de toutes mes forces de coller au modèle de la jeune fille parfaite qui étudie et qui se projette dans un futur où elle exercerait une profession scientifique qui aiderait les gens à être heureux.... Mais déjà depuis l'enfance, qu'est-ce qu'il avait été difficile pour moi de me plier à toutes ces exigences qui m'obligeaient à cacher mes réactions naturelles pour qu'on m'accepte... pour qu'on m'aime.

Ne pas montrer mes peurs, ne pas crier mes colères face aux injustices, ne pas montrer ma tristesse,... Etre d'humeur toujours égale, ne pas faire de vague... suivre le troupeau... ne pas être ce mouton noir qu'on évince parce qu'il ne ressemble pas aux autres...

Des efforts et une énergie monstrueuse dépensés à être comme une petite fille doit être....pour être aimée.

Adolescente, ces efforts et cette énergie à être la personne qu'on attend qu'une jeune fille soit, j'ai continué à les déployer, mais ce n'était plus seulement pour qu'on m'aime, mais aussi et encore plus fortement pour ne pas être rejetée du système ou ne pas y avoir ma place.

A l'adolescence, je pense que la question que nombre de jeunes se posent est: y a-t-il un place pour moi dans cette vie? Et c'est là que la réponse que l'adolescent(e) va apporter, va être cruciale pour sa vie future.

En répondant à cette question, je pense que l'erreur que font beaucoup d'ados, mais d'adultes aussi, est de confondre:

Avoir une place dans la vie et Avoir une place dans la société

Lorsqu'on pense que pour avoir une place dans la vie, il faut avoir une place dans la société, nous allons tout faire pour répondre aux exigences de la société, de sorte à nous assurer une place en son sein et par là une place dans la vie.

Alors que lorsque l'on comprends que pour avoir une place dans la vie, il n'y a pas besoin d'occuper une "place standardisée et conforme aux normes de la société", alors on change complétement de perspective et au lieu de tout faire pour se conformer à ce qui est "bien vu" dans notre société, nous faisons ou plutôt nous devenons qui nous sommes: nous prenons cette place dans la vie qui nous permettra d'avoir notre place dans la société.

Adolescente, j'ai cru que pour avoir le droit de vivre, il fallait avoir une place dans la société et que pour avoir une place dans la société, il fallait faire comme on me disait: comme mes parents me disaient, comme les enseignements me disaient, comme les autorités me disaient....

J'avais tellement peur d'être rejetée et de ne pas avoir de place dans ce monde, que j'étais prête à tout pour qu'on m'accepte dans ce "cercle d'élus" qui vivent une vie heureuse dans le système social.

Mais le stress engendré par les années passées à réprimer ma vraie nature, à me conformer aux règles et à suivre le chemin sans joie que la société avait tracé pour les jeunes filles m'a rattrapé et épuisé.
Au gymnase (lycée), je n'arrivais plus à donner le change. Je n'arrivais plus à être celle qu'on attendait que je sois....

Pour réussir un parcours scolaire "sans faute" (la faute étant définie ici comme l'échec scolaire ou la non obtention du diplôme: chose qui est très très mal considéré dans la société), j'avais petit à petit mis de côté les derniers éléments de soupape qui me permettaient de gérer l'énorme stress engendré par la pression à la conformité. Enlever mes derniers moyens de m'évader et d'être moi-même, a été l'élément de conformisme de trop. Les vannes ont commencé à sauter! C'est comme si les coutures de l'habit de conformité que j'avais enfilé depuis mon enfance étaient en train de sauter!!!

Mon "habit de conformité" allait exploser et tout le monde allait voir que je n'étais pas comme eux, que j'étais un imposteur qui tentait tant bien que mal de cacher son anormalité et son incapacité à faire comme tout le monde sous un habit de normalité trafiqué de toutes pièces.

L'énergie et les efforts déployés pour cacher ma vraie nature et pour maintenir les apparences étaient tels que le soir, en rentrant chez moi, je m'effondrais littéralement....

Je commençais à fortement angoisser à l'idée que les gens réalisent que je n'étais qu'un imposteur incapable de faire comme tout le monde. Je déprimais à l'idée de ne pas savoir comment j'allais faire pour vivre toute ma vie avec cette pression trop forte: comment allais-je trouver, tous les jours, pendant encore au moins 60 ans, l'énergie pour donner le change et me conformer à ce que la société attend d'un individu qui aspire à vivre heureux en son sein?

A la fin de l'adolescence, j'étais épuisée par cette quête sans relâche de ma place dans la société. J'angoissais et je déprimais à l'idée de ne pas avoir ce que je considérais comme le précieux sésame pour mériter d'être en vie: pour moi si je n'arrivais pas à trouver et obtenir une place dans la société, je n'avais pas ma place dans cette vie, dans ce monde...

La pensée du suicide à l'adolescence.... je pense qu'elle vient souvent de là: de cette idée que si on n'arrive pas à se conformer ou à justifier notre utilité pour la société, alors on n'a pas sa place dans la vie.
Cette idée, je le sais maintenant, est complétement fausse: ce n'est pas parce qu'on n'est pas à la place à laquelle la société voudrait qu'on soit, qu'on n'a pas le droit de vivre. La société, c'est juste un ensemble de règles qui dictent comment un groupe d'humains a décidé de fonctionner ensemble. Si on a envie de fonctionner autrement, on a le "droit" et je dirais, on en a même le "devoir".
Ce n'est pas parce qu'on ne souhaite pas fonctionner selon des règles et des valeurs qui ne nous correspondent pas qu'on n'a pas le droit de vivre!

Tout le monde a le droit de vivre sa vie comme il l'entend tant qu'il respect la vie de l'autre.

Bien évidemment, au moment où mon "habit de conformité" a commencé à craquer les coutures, mon entourage s'est inquiété. Mais la solution pour faire "rentrer les choses dans l'ordre" s'est rapidement manifestée: les redresseurs de non-conformité étaient là: les psychiatres se sont présentés à ma porte.

Tu n'arrives pas à faire comme tout le monde? Tu fais des vagues? On va t'aider à reprendre le droit chemin....ou on va te "planquer à la cave" avec les autres rebus de la sociétés, avec tous ceux, qui comme toi, n'arrivent pas à fonctionner comme on attend qu'ils le fassent.

Je conçois la psychiatrie comme "la section de la société" qui s'est donné et, au final, qui a légitimement reçu comme mission de faire rentrer dans le droit chemin, les individus qui ne se conforment pas aux codes sociaux.

Comme je n'arrivais vraiment plus à me conformer aux codes sans m'effondrer et faire craquer les coutures de mon habit de conformité, mon entourage a décidé qu'il fallait faire appel aux psychiatres pour qu'ils m'aident à comprendre comment être, penser et faire pour vivre une vie normale et heureuse.

Je ne voulais pas aller en psychiatrie, car je me suis dit qu'il allait me falloir fournir encore plus d'énergie et d'efforts pour "montrer ma normalité" pour qu'on "m'estampille: conforme pour vivre dans cette société: a sa place!"

J'étais épuisée par les efforts que je fournissais pour suivre la voie scolaire qu'il convenait en vu d'obtenir le sésame qui estampille: "conforme aux exigences scolaires: a obtenu son diplôme!". Je ne voulais pas devoir encore ajouter la contrainte de devoir prouver que j'avais un fonctionnement mental conforme.

J'ai donc tout fait pour ne pas aller en psychiatrie. Pendant plusieurs heures, je me suis opposée à leur décision de me faire suivre un traitement. Puis, à la fin, j'ai changé d'avis en me disant que si je ne me conformais pas à leur demande, ça allait mal finir, puisqu'ils faisaient autorité dans le domaine de ce qui est conforme ou ne l'est pas. Je me suis dit que si je voulais qu'on me considère comme quelqu'un qui fonctionne normalement, il fallait que je suive les règles de vie de la société et que j'aille faire un tour dans ce "service" pour que je prouve que j'avais les aptitudes pour me conformer à ce qui est attendu.

Mais comme les psychiatres m'avaient vue très réfractaire à leur proposition de traitement et que par ailleurs, ils s'étaient déjà fait une opinion sur mon état mental à la lecture des observations de psychologues qui m'avaient suivie pendant mon enfance, je pense que j'avais déjà sur le front, aveuglante comme la lumière d'un gyrophare, la très belle étiquette:  

NON CONFORME! 




© Carole Advices 12 avril 2019

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