mercredi 10 avril 2019

Aller contre, aller avec

Toute cette violence qui émane du milieu psychiatrique...

Contre toute cette violence, j'ai essayé de me rebeller, de me défendre, de contrer les attaques psychologiques et physiques de ces personnes et de ces institutions. Pour moi, c'était un combat. Un combat pour ma liberté, un combat pour ma vie, et plus je me battais, plus ils me battaient!

Combattre, contrer la violence, faire monter crescendo l'intensité de ma réaction à l'intensité de leur action, voilà ce que j'ai fait pendant des années, jusqu'au moment où je n'ai plus eu la force de contrer directement leurs attaques. C'est alors que j'ai endossé le rôle de victime, de l'ado rebelle qui se bat corps et âme contre ce qui est en train de l'affaiblir, je suis devenue la victime capitulant sous les coups après avoir encaisser bien plus que mon corps et mon mental ne pouvaient en supporter! Contre cette violence chimique, physique, émotionnelle, mentale, psychologique, familiale, culturelle et sociétale, j'ai abdiqué...

Mais avais-je vraiment abdiqué à ce moment-là? Leur avais-je donné tous les pouvoirs et tous les droits sur moi? Avec le recul, je ne pense pas et c'est le fait de d'avoir arrêté de répondre par la violence à leur violence qui m'a certainement permis de sortir de l'enfer de la psychiatrie.

Dès que j'ai arrêté de me rebellé contre leurs violences, dès qu'adolescente, j'ai lâché prise et leur ai donné "l'illusion" que j'acceptais leurs visions du monde, dès ce moment-là, l'escalade de la violence à diminuer. En arrêtant de m'opposer de manière violente et toujours plus intense à leur violence... en arrêtant d'essayer de m'opposer plus fort qu'eux, j'ai désamorcé l'escalade de la violence.

Et pourtant, lorsque adolescente, j'ai été contrainte à suivre des traitements psychiatriques, je me suis mise à m'opposer avec toute ma rage de vivre aux atrocités que les psychiatres de Nant me faisaient subir. Je déployais une force surhumaine pour le montrer qu'ils n'auraient pas le dessus et que je serai bien plus forte et plus endurante qu'eux à ce petit jeu qui consistait à faire plier l'autre à sa vision du monde et de la vie. Pendant des mois, je me suis battue comme un beau diable. Mais les chasseurs qui disposent de pièges desquels aucun animal en peut s'échapper, ceux qui avaient les armes physiques, psychiques, politiques et sociales les plus puissantes, c'étaient eux, les psychiatres à qui la société, ma famille, mais également, indirectement moi, avions donnés tout le pouvoir sur qui j'étais. Alors, comme la biche prise au piège dans les filets des chasseurs, je me suis débattue et débattue pour reprendre ma liberté. Mais plus je me débattais, plus le piège se refermait sur moi et m'affaiblissait. Leur pouvoir sur moi était comme celui des noeuds coulants, plus je me débattait pour échapper à leur étreinte, plus cette dernière se resserrait et se refermait sur moi, étouffant au passage mes derniers signes de vie.

Etait-ce la bonne solution de me débattre? D'opposer une résistance aussi forte que la leur? D'avoir des réactions aussi violentes que les leurs? Avec le recul, je constate que ce qui m'a permis de "m'échapper de leur étreinte", ça n'a pas été de me débattre et d'aller systématiquement contre eux, mais, ça a été de lâcher prise, d'aller "avec eux".

Le premier mouvement que j'ai fait dans leur sens, ça a été de comprendre que m'opposer ne servait à rien et de faisait qu'augmenter l'intensité de leurs attaques: plus je me rebellais et m'opposais à leurs traitements, plus ils augmentaient les doses de neuroleptiques et de sédatifs, et plus ils intensifier les contraintes physiques. Dès que j'ai compris que si je me montrais, en apparence, docile, ils baisseraient leur garde, dès ce moment-là, l'intensité de leurs tortures et de leurs actions répressives à commencé à diminuer. Constatant qu'en arrêtant de me débattre, ils relâchaient un peu leur emprise, j'ai continué sur cette voie, ce qui m'a permis de "tromper" leur vigilance et de gentiment pouvoir prendre mes distances de l'Hôpital psychiatrique. Ainsi, presque une année après avoir été mise en soins psychiatriques, j'ai pu reprendre un peu de liberté en obtenant des psychiatres de cet établissement, qu'ils me laissent partir loin de la clinique pour être suivie par un psychiatre dans le privé.

Face à une institution psychiatrique, j'avais compris que je ne ferai pas le poids, mais, à tord, je pensais qu'il me serait plus facile de m'opposer à un seul individu: au psychiatre chez qui j'avais promis d'aller en échange de ma libération de l'Hôpital psychiatrique de Nant....

Je n'avais alors pas encore retenu la leçon: aller frontalement contre l'autre, c'est nourrir le pouvoir que l'autre a sur moi, alors, qu'aller avec l'autre, c'est laisser place à cet espace de liberté qui me permet d'agir.

Maintenant, est-ce qu'aller avec l'autre, c'est adhérer à son point de vue et cautionner ces actes?

Non, je le pense pas. C'est simplement arrêter de nourrir sa violence, sa force et son pouvoir. Lorsque j'étais soumise aux tortures psychologiques et physiques administrées par les psychiatres de la fondation de Nant, je n'ai pas, un seul instant, adhéré à leur point de vue ou cautionné leurs actes. J'ai simplement accepté que de m'opposer frontalement à eux ne ferait qu'augmenter leur violence envers moi. Mais c'est en acceptant qu'ils ne changeraient pas leur manière de penser et de faire, c'est-à-dire en allant à la rencontre de leur point de vue et en acceptant qu'ils n'avaient pas la sagesse d'en changer et encore moins de percevoir le mien, que je suis "allée avec eux", que j'ai fait un pas dans la direction dans leur sens pour comprendre pourquoi ils en étaient arrivés là: à torturer leurs semblables soi-disant pour leur bien. En me montrant souple et en allant à la rencontre de leur point de vue, j'ai créé cet espace qui me permettait d'agir. Pour moi, aller avec eux, aller dans leur sens, c'était prendre part à ce qui m'arrivaient et accompagner le mouvement. En adoptant leur perspective pour comprendre pourquoi des Etres humains pouvaient en arriver à en torturer des autres en pensant agir pour leur bien et le bien de la société, j'ai repris le contrôle de la situation, plutôt que de le leur laisser. En effet, celui qui sait adopter la perspective de son adversaire s'octroie un avantage certain.

Le fait de me mettre à leur place pour comprendre leur point de vue m'a permis de tourner la situation à mon avantage. S'opposer frontalement ne fait qu'attiser les flammes, alors qu'emprunter la manière de penser de l'autre permet de comprendre ses actions et donc d'y faire face ou d'y échapper plus facilement...

Et c'est ce qui c'est produit: chaque fois que je me suis opposée frontalement aux psychiatres et à leurs actions, j'en ai payé le prix. Alors que chaque fois que j'ai regardé la situation et leurs actes de leur point de vue, j'ai pu agilement faire en sorte que la situation "tourne à mon avantage", c'est-à-dire qu'elle m'offre un espace d'action que je n'avais plus lorsque je m'opposais frontalement et avec violence à leurs traitements.

En ne m'opposant plus, je m'offrais cette liberté d'action nécessaire pour reprendre le contrôle des actions qui étaient entreprises sur moi... En ne m'opposant plus, je les forçaient à me libérer de leur étreinte et en cheminant dans leur direction, je créais un espace de dialogue où j'avais mon mot à dire sur les traitements qui m'étaient infligés....


© Carole Advices 10 avril 2019

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